Le débat sur l'avenir de la
nationale 154 peut-il faire « avancer le schmilblik » ?
« Débat : examen d'un problème entraînant une discussion animée, parfois dirigée, entre personnes d'avis
différents. »
Jeudi, le déroulé de la troisième soirée du débat public sur le projet de mise en concession
autoroutière de la RN154 a posé la question... de son utilité. Voilà pour la définition du Petit Larousse illustré, qui rassure au moins sur un point : les soirées programmées jusqu'à fin janvier
sur l'avenir de la nationale 154 constituent bel et bien un débat. Pour le reste... on ne peut s'empêcher de se demander ce qu'il peut advenir de ces « discussions animées entre personnes
d'avis différents ». Car s'il semble assez clair que le projet de concession autoroutière émanant de la direction régionale de l'Équipement s'appuie sur des projections à tout le moins
vagues, il paraît aussi évident que ses contradicteurs ne veulent pas se laisser enfermer dans les problématiques propres à chaque soirée du débat.
Des opposants au projet peu « disciplinés »
Témoin celle de jeudi, au cinéma Les Enfants du Paradis, à Chartres. Il faudra ce soir-là une heure à Claude
Brévan, inspectrice générale de la construction honoraire et membre de la commission paritaire de débat public (CPDP), pour obtenir de démarrer seulement la discussion sur le thème choisi : les
transports et déplacements. Et même au cours de la soirée, d'aucuns n'auront pas voulu respecter les consignes pourtant établies par la commission : attendre d'avoir le micro pour parler ou
encore n'évoquer les thèmes généraux qu'en fin de soirée, après avoir épuisé les questions relatives à celui de la soirée. Pendant une heure, donc, de 18 h 30 à 19 h 30 - mais également entre
deux interventions du maître d'ouvrage -, les voix se sont élevées à qui mieux mieux pour évoquer qui les « voies de substitution », qui les « emprises agricoles du tracé », qui
les « délais hallucinants annoncés pour la réalisation de la fin de la nationale », qui enfin « le coût du projet autoroutier »... Autant de domaines de réflexion certes
passionnants et souvent fort bien argumentés... mais hors sujet et laissant, finalement, peu de temps aux réponses à la problématique du soir.
Un maître d'ouvrage peu crédible
D'un autre côté, peut-on parler de débat lorsque la présentation de la direction régionale de l'Équipement
comprend si peu d'informations quant aux méthodes de projection, de calcul et de conclusions inscrites au dossier ?
Car enfin, on peut légitimement douter de la fiabilité d'un maître d'ouvrage
qui, à ce stade du débat public, admet qu'il n'est « effectivement pas très cohérent » lorsqu'il évoque les baisses de trafic actuelles et les projections de hausse sur lesquelles
s'appuie... presque tout le dossier... Et quiconque l'a déjà empruntée ne peut également que grincer d'entendre lesdits représentants de l'Équipement soutenir que les accotements de la voie de
substitution à la RN 154 entre Chartres et Dreux sont de bonne qualité et qu'on peut y effectuer des dépassements...
Une contre-expertise du Collectif drouais
Dès lors, le débat est-il faussé ? « La lecture du dossier présenté par le maître d'ouvrage montre que
l'État a déjà décidé la concession autoroutière », souligne, dans un courrier adressé à la rédaction, un lecteur chartrain, qui enfonce le clou : « Le débat actuel ne sert donc à rien,
il constitue un simple alibi. »
« Le dossier de la CPDP est en tout cas mal renseigné », pense pour sa part Roger Beaufort, du
cabinet d'études parisien Horizons, qui travaille sur le sujet en collaboration avec un avocat environnementaliste très pointu en la matière, maître Faro. « La CPDP donne des chiffres
liés à l'évolution des ressources naturelles et énergétiques, ou encore des projections de trafic, mais on ne trouve jamais aucun paramètre de justification de ces données », poursuit Roger
Beaufort. Embauché par le Collectif drouais pour une alternative au projet autoroutier A154, son cabinet d'études travaille actuellement à une contre-expertise détaillée du dossier, afin
d'avancer des contre-propositions étayées au débat. Une démarche
pour le moins constructive et qui, pour le coup, pourrait bien faire réellement avancer le débat.
Gaëlle Chalude.
JEUDI SOIR, À CHARTRES. Bertrand Thierry et Francine Seugé (à d.), du Collectif drouais pour une alternative
au projet autoroutier A154 ont invité Roger Beaufort (à g.), du cabinet d'études Horizons, à écouter les informations du maître d'ouvrage, pour avancer une contre-expertise au projet de la
DRE.